Escape Academy – l’escape game en jeu vidéo, une bonne idée ?
Escape Academy – à l’école des professionnels vidéoludiques de l’escape
Assumons mon manque d’originalité : j’aime beaucoup les escape games. Bien sûr pour l’observation et la déduction auxquels ils font appel, mais aussi (et peut-être surtout) pour l’immersion thématique et la stimulation collective, qui leur permettent de ne pas être qu’une succession d’énigmes mais une véritable expérience de groupe. L’idée d’en pratiquer sous la forme de jeu vidéo, avec Escape Academy, était donc aussi prometteuse qu’elle pouvait susciter des craintes.
Après tout, les escape rooms sont déjà des « point and click en vrai ». Proposer du « point and click en vrai mais de nouveau en point and click » n’a-t-il pas quelque chose d’une régression dans le principe ? À moins que le jeu vidéo parvienne à utiliser assez judicieusement son medium pour une transposition inventive qu’il n’aurait pas été possible de concevoir autrement que sous cette forme…
Escape Academy est en effet un jeu vidéo d’escape, développé par Coin Crew Games, édité par iam8bit et Skybound Entertainment, et disponible depuis le 18 juillet sur PC, PS4, PS5, Xbox One et Xbox Series – il manque malheureusement la Switch, oui. Jouable en solo ou à deux, en online ou… en local avec écran splitté (oui oui, ça existe encore au-delà de Borderlands !), il est vendu 20 euros, avec un Season Pass à 15 euros.
Le jeu a été testé en solo et en écran splitté sur Playstation 4. Il va de soi que nous ne donnerons dans cette petite review aucun élément permettant de résoudre une énigme et ne spoilerons rien des salles à découvrir au fur et à mesure de votre aventure.
L’escape en jeu vidéo, une bonne idée ?
Un escape sans manipulation physique, sans la sensation d’explorer réellement un lieu conçu artisanalement, et exclusivement en solo ou avec une personne (là où un escape se pratique plutôt à 3-4) n’est pas si encourageant… A contrario, un escape coûte extrêmement cher, tandis qu’avec Escape Academy, on a accès à dix salles avec le jeu de base pour 20 euros – même si elles durent plutôt 20 à 45 minutes qu’une heure – plus une dizaine d’autres pour 15 euros supplémentaires avec le Season Pass, qui comprendra deux extensions aux noms prometteurs, Escape from Anti-Escape Island et Escape from the Past.
En outre, je trouve souvent la difficulté des escape rooms mal calibrée, parce que je suis toujours extrêmement frustré qu’on puisse nous en faire sortir à la fin du temps imparti, et donc qu’une si belle heure, si chère, s’achève platement sur un échec. C’est aussi ce que j’aime généralement dans le jeu vidéo : on sait que la défaite n’empêche pas de retenter sa chance, la réserve de temps pour essayer et essayer encore étant illimitée. La perspective d’un escape en jeu vidéo où l’on pourrait immédiatement refaire une mission échouée, et où même on nous accorde davantage de temps contre un malus sur la note finale, a ainsi quelque chose de rassurant.
Et si l’on peut demander des indices dans un escape réel, je le fais toujours avec douleur parce que cela ressemble à un aveu d’échec, quand demander un indice à un jeu vidéo, comme on peut bien sûr le faire dans Escape Academy, toujours contre un malus, est beaucoup plus habituel.
Enfin, les escapes matériels sont forcément limités… par le matériel. Tandis qu’Escape Academy peut nous faire vadrouiller dans de grands jardins, dans d’immenses salles informatiques avec quantité de pièces cachées, et multiplier les éléments « technologiques » sans craindre qu’un joueur effectue une mauvaise manipulation, se mettant en danger ou mettant en danger le matériel lui-même. Bref on peut nous faire circuler dans des environnements plus contrôlés, plus vastes et plus variés, et même nous proposer des interactions impossibles sinon, par exemple de peindre un mur en un clic.
Signalons déjà qu’Escape Academy m’a un peu déçu sur ce point. Les environnements sont très bien conçus, difficile de leur enlever ça, mais ce que j’aime dans les escapes, c’est le fait de me sentir dans un train, dans une cabane de sorcière, dans un sous-marin… J’attendais donc d’Escape Academy des concepts au moins aussi fous, et si l’on sent de temps à autre une ambition de ce genre, j’ai quand même l’impression que cette immersion dans des thèmes complètement distincts aurait pu être bien plus forte – mais l’intitulé des extensions peut tout à fait laisser croire que ce pourrait être le cas à l’avenir.
Une académie de l’escape ?
Le titre du jeu, Escape Academy, pourrait surprendre. Certes, Escape Simulator est déjà pris, mais enfin, quel rapport entre une succession d’escape rooms et une Académie ? C’est qu’Escape Academy… est un jeu scénarisé, puisant très légèrement dans Harry Potter et Pokémon.
Ainsi n’êtes-vous d’abord qu’un joueur lambda allant essayer l’escape room un peu miteuse du quartier. De fait, la seule salle est extrêmement basique et vous prend moins de dix minutes. Mais quand vous en sortez, l’agente d’accueil n’est plus là, et vous ne pouvez plus quitter les lieux. Le hall d’accueil devient alors une seconde salle d’escape, plus élaborée que la première. Après avoir découvert les commandes basiques du jeu (se déplacer, courir, observer/prendre, ouvrir l’inventaire, demander un indice), vous comprenez la nécessité de vous munir d’un papier et d’un crayon, et de connecter par vous-mêmes les nombreux éléments qui vous sont soumis.
En effet, ces deux salles ne sont que le tutoriel : une fois la solution de la seconde trouvée, on vous invite à bord d’un train pour arriver à l’Escape Academy, où le jeu commence vraiment, et où l’on vous explique qu’il faut collecter dix badges dans dix escape rooms. Vous aurez presque systématiquement le choix de l’ordre dans lequel vous pourrez effectuer les deux/trois escape suivantes, en fonction de la difficulté et de la longueur affichée le plus souvent.
Dans les faits, ce scénario est évidemment cousu de fil blanc. On se fiche un peu de sa rivale, avoir une chambre n’est qu’un hub où l’on évitera de retourner, les professeurs sont assez en retrait pour qu’on oublie même leur présence… mais on n’en attendait pas autant d’un jeu vidéo d’escape, et en fait on appréciera vraiment ce soin de créer un univers et une logique narrative, aussi ténus soient-ils, afin de lier les salles et de vous donner la vague impression que ce que vous faites a du sens.
Les salles elles-mêmes… sont vraiment des salles d’escape. Entendez par là que si vous avez déjà effectué quelques escape rooms, vous ne serez pas du tout dépaysés : bien sûr que vous allez fouiller les poubelles, compter les verres sur la table, repérer les taches de couleur bizarres, distinguer au premier coup d’œil les serrures à clé, à code à 3 chiffres, à code à 4 chiffres, à symboles… Et bien sûr que vous saurez assez vite quoi noter et quoi partager avec votre partenaire.
À ce sujet d’ailleurs, Escape Academy me paraît vraiment plus intéressant à deux que seul. Je sais bien que tout le monde n’aime pas le split screen, et il semblerait qu’on n’y échappe même pas en online… Cependant, la coopération est ce qui fera vraiment la différence, je trouve, entre une succession d’énigmes et une expérience authentique d’escape, où la division de l’attention et la communication sont essentielles à la fois pour traiter la quantité parfois importante d’informations et pour mettre en commun des perspectives différentes. Et en cela, le split screen sera davantage une aide qu’une gêne, parce qu’on saura toujours où est l’autre, que l’on pourra voir d’autres lieux par ses yeux, et qu’il pourra même s’arrêter sur un code pendant qu’on est face au texte à déchiffrer, ce qui permettra de surmonter des énigmes sans avoir à noircir des feuilles et des feuilles de papier.
Comme dit, en achevant une salle, vous obtiendrez une note dépendant du temps qu’il vous a fallu et du nombre d’indices demandé. De plus, on vous montrera sous forme de clichés toutes les énigmes résolues et dans quel temps. Bon, le genre d’informations sur lesquelles on passe un peu vite, mais pas un bonus à déprécier, particulièrement quand on jouera à deux, et que l’on pourra donc être un peu curieux de ce que l’autre a résolu dans le cas où certaines énigmes auraient été résolues isolément.
Notez d’ailleurs que vous pouvez refaire les salles. Bon, ça n’a pas grand intérêt, parce que même si vous avez fait un mauvais temps et demandé pléthore d’indices… vous connaissez la salle et les solutions, donc la refaire sera forcément trop facile, mais cela permet de passer la manette à des amis de passage… Encore une fois, une petite idée qui n’a aucune raison de retenir réellement l’attention, mais dont on peut apprécier l’intention.
Pour trouver quand même de petits reproches, on notera une caméra un peu trop sensible, manquant de précision pour avoir exactement ce que l’on veut en ligne de mire. Cela ne provoquera pas le moindre misclic gênant, mais peut-être pourra-t-on s’en micro-agacer à quelques reprises. Quant à la direction artistique, j’en ai vu qui la trouvaient clivante, quand à titre personnel j’aime tout à fait cette simplicité un peu vintage qui permet au moins d’appréhender sans aucun effort les distances et les formes, là où une ambition de photoréalisme aurait rendu l’image bien plus confuse, en plus bien sûr d’accroître le risque de bugs et de faire grimper la note.
Escape Academy : un jeu dont vous échapper ou dans lequel vous enfermer ?
Si vous aimez les escape games, ou même simplement les jeux d’énigmes, ou êtes à la recherche de petits jeux pour vous occuper quelques soirées avec un partenaire, Escape Academy peut apparaître comme un choix tout à fait pertinent.
Le jeu « de base » vous occupera pendant environ 6 heures, un peu moins si votre expérience experte des escape vous permet d’identifier tout de suite les solutions « classiques » des salles, plus si vous en avez moins l’habitude, que vous êtes seul, et qu’il vous arrive d’échouer de temps à autre. En termes de prix, c’est raisonnable vu la qualité de conception des salles et des énigmes et la fluidité du tout, d’autant que le Season Pass devrait doubler la durée de vie en ajoutant dix salles.
C’est que l’exercice de transposition des logiques de l’escape room physique dans un jeu vidéo est parfaitement réussi. Non seulement on s’y croirait, mais Escape Academy sait profiter des avantages du virtuel pour faire briller quelques atouts qui auraient été inconcevables « en vrai ». Je n’en attends les extensions qu’avec plus d’impatience, en espérant qu’elles pourront pousser encore un peu plus loin l’exploitation des spécificités du format pour des salles plus thématiques et plus surprenantes !
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– Source : Jeux Vidéo – Vonguru
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